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* La problématique de la lombalgie : quels modèles théoriques retenir ?

L’approche de la lombalgie ne peut plus se faire seulement à partir d’un seul modèle biomécanique et anatomique et ce d’autant plus que la plupart des patients lombalgiques sont classés dans la catégorie des lombalgies non spécifiques c’est-à-dire ne relevant d’aucune cause anatomique connue (85% des lombalgies). Seuls 15% des patients lombalgiques auraient ainsi une raison anatomique à leur souffrance. Les modèles biomécaniques seuls n’épuisent donc plus la compréhension de la lombalgie. Si l’on ajoute à ces éléments que pour 50% des patients lombalgiques chroniques, il est retrouvé une composante psychosociale (cause ou conséquence ?), on comprend l’importance accordée maintenant à des approches plus complexes prenant en compte l’approche psychosociale du patient et les processus neurophysiologiques impliqués dans la lombalgie.

* Une vision plus complexe de la lombalgie : l’apport des neurosciences cognitives

Un numéro de Kinésithérapie La Revue (Vol 10 – N° 108 – décembre 2010) présentait, il y a quelques temps déjà, plusieurs articles sur le thème de la lombalgie. Parmi ceux-ci, on trouve des études tendant à démontrer l’existence de liens entre la lombalgie et des déficits du contrôle moteur (les stratégies d’anticipation du mouvement semblent altérées) : Les lombalgies chroniques sont associées à un déficit des muscles moteurs du tronc se manifestent notamment par une altération des ajustements posturaux anticipateurs (Fayt, 2010). Ces problématiques de contrôle et d’anticipation du mouvement peuvent être la conséquence de la douleur et de la lombalgie mais elles peuvent également être la cause de cette lombalgie (Roussel, Demoulin, 2010). Elles sont associées également à des remaniements du cortex moteur qui sont potentiellement réversibles. Dans ce contexte, des chercheurs préconisent l’entraînement cognitif comme axe de rééducation : Depuis quelques années, le concept d’entraîner le cerveau pour soulager des douleurs pathologiques fait l’objet de recherches pour les DMF (Douleur du Membre Fantôme) et le SRDC (Syndrome Régional Douloureux Complexe) , et Plus largement, l’entraînement du cerveau chez le patient lombalgique chronique est une orientation thérapeutique qui commence à être explorée (Fayt, 2010). Si l’on réfléchit à ce que nous disent ces chercheurs, le problème ne serait pas seulement physique ni physiologique et encore moins psychologique, il serait plutôt cognitif. Et si le patient lombalgique souffrait de déficience ou plutôt d’incapacité à mobiliser son potentiel cognitif ? Et si on ne lui avait pas appris à mobiliser, à contrôler, à orienter ou à piloter son système moteur et cognitif ? On voit ainsi l’intérêt de se questionner et de repenser la rééducation par le développement de pratiques qui ne se centrent plus exclusivement sur l’analyse et la correction de la biomécanique et sur une vision périphérique du mouvement mais qui intègrent des propositions qui mobilisent l’intention, la régulation sensori-motrice, l’effort cognitif ayant pour effet une réorganisation corticale.

* Repenser la rééducation sensorielle : une éducation neuro-cognitive du mouvement ?

Si l’on se réfère à la littérature (Leão, 2002 ; Courraud-Bourhis, 1999, 2004 ; Noël, 2001; Bois, 2002, 2009 ; Courraud, 2002 ; Eschalier, 2010), la biomécanique sensorielle et la rééducation sensorielle ont toujours été présentées comme des modèles d’évaluation et de rééducation qui prennent en compte le rapport du patient à son mouvement tout en stimulant et recrutant ses ressources perceptivo-cognitives (enrichissement des capacités attentionnnelles et intentionnelles en lien avec l’action, accroissement de la conscience du geste et de l’unité sensori-motrice). La rééducation sensorielle en visant ces objectifs qualitatifs de rééducation et en proposant des axes éducatifs et pédagogiques mobilisant ces tâches cognitives explore cette approche nouvelle de la lombalgie. Considérée comme une pédagogie du geste plutôt que comme une rééducation du mouvement, comme une approche qui sollicite la plasticité perceptive que comme une méthode de renforcement de la musculature ou d’ajustement articulaire, elle peut aujourd’hui s’appuyer sur des données scientifiques plus proches de ses principes théoriques et pratiques pour être envisagée comme une pratique en phase avec ce courant actuel de recherche en neurosciences sur la lombalgie. En relisant les différents ouvrages, articles et mémoires qui ont été écrits sur ce thème, on y trouve des éléments de compréhension de cette éducation cognitive du mouvement et des outils pratiques et pédagogiques qui facilitent l’apprentissage et l’application de cette approche dans le domaine de la kinésithérapie.

* Des travaux qui croisent rééducation sensorielle et kinésithérapie

Un premier article écrit par le Pr D. Bois en 2002 (Intérêt de la perception kinesthésique dans le cadre de la rééducation – Profession Kiné Plus) mettait déjà en évidence l’importance de rééduquer la perception du mouvement et le pré-mouvement gestuel pour agir sur la représentation du mouvement et mobiliser la plasticité cérébrale. Un texte fondateur à redécouvrir…

Pour aller plus loin et mieux comprendre la prise en charge du patient lombalgique par cette rééducation, vous pouvez accéder au mémoire de recherche en Psychopédagogie de P. Sercu, kinésithérapeute, ostéopathe et fasciathérapeute Rééducation sensorielle auprès de patients souffrant de douleur aspécifique du dos – Influence sur le confort du mouvement et la douleur (site du cerap mémoire de P. Sercu )

Pour en savoir plus sur la rééducation sensorielle et la biomécanique sensorielle :
Attention et Performance – C. Courraud
La biomécanique sensorielle – Hélène Bourhis,
La gymnastique sensorielle pour tous – I. Eschallier
La gymnastique sensorielle – A. Noël
La présence totale au mouvement – M. Leao
A retrouver sur le site des éditions Point d’appui