Mise au point sur la fasciathérapie et la recherche scientifique

FasciaFrance Recherche scientifique

Mise au point sur la fasciathérapie et la recherche scientifique

réponse de l’ANKF et du Pr D. Bois au CORTECS

L’ANKF tient à répondre au CORTECS et à Mme N. Darbois suite aux informations publiées dans un article en date du 14 février 2015 (1)

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Le CORTECS s’évertue depuis 2012 à répandre l’idée que la fasciathérapie est une thérapie manuelle qui n’aurait aucun effet thérapeutique et serait même considérée comme une imposture, avec comme seul argument qu’il n’existe à ce jour aucune étude scientifique prouvant l’efficacité de cette pratique. Nous estimons que cette posture est caricaturale et partisane car elle relève d’une vision réductrice de la recherche en santé. De plus le CORTECS ne prend pas en compte la totalité des travaux de recherche effectués depuis plusieurs années et méconnaît ou écarte des données scientifiques actuelles sur le fascia qui viennent consolider les principes et les théories à l’origine de la fasciathérapie.

  • Concernant le fait qu’il n’existe aucune publication dans les bases de données internationales et aucune étude sur la fasciathérapie, une recherche en date de février 2015 sur NCBI avec le mot-clef fasciatherapy donne 3 occurrences et non 0 comme cela est écrit.

Concernant les recherches menées sur la fasciathérapie depuis 2011, il est inexact de dire qu’aucune étude n’a été produite puisqu’une consultation des travaux de recherche mis en ligne le 15 mars 2013 met en évidence plusieurs études et publications. Certes nous ne pouvons pas en conclure que l’efficacité de la fasciathérapie est prouvée mais il faut rappeler que la kinésithérapie elle-même ne possède pas un tel niveau de validité scientifique (elle est essentiellement basée sur un consensus professionnel, ce qui est le plus bas niveau de validité scientifique).
Pourquoi alors, exiger de la fasciathérapie un niveau de preuve que la kinésithérapie n’a pas encore atteint ? De plus que signifie le terme « preuve d’efficacité thérapeutique » ? Et à partir de quel moment une méthode peut-elle se dire suffisamment éprouvée ? Pour l’instant, les instances de la kinésithérapie et en particulier le CNOMK n’ont pas été en mesure de définir les critères précis permettant de dire qu’une pratique est suffisamment éprouvée. Il n’en reste pas moins que les recherches conduites sur la fasciathérapie ont toute leur valeur scientifique puisqu’elles éclairent les patients et les professionnels qui en font une lecture objective. Les membres du CORTECS considèrent qu’en dehors des essais cliniques, des méta-analyses et des essais randomisés et contrôlés, aucune étude n’a de valeur. Or il est à rappeler que la recherche en kinésithérapie est ouverte à différentes méthodologies (2), les études qualitatives et mixtes ou les enquêtes de terrain ont ainsi toutes leur place (3). Elles bénéficient ailleurs qu’en France d’une légitimité et d’une pertinence qui semble échapper aux membres du CORTECS qui ont tendance à considérer que la subjectivité (le recueil et l’analyse du point de vue des patients entre autres) n’a aucune valeur scientifique.

Or l’approche subjective est, comme nous le soutenons, scientifique : « Cette approche a pour but de comprendre le vécu d’une personne par rapport à une situation particulière. La méthodologie la plus répandue est la phénoménologie » (3). Ainsi, Ann Moore, éditrice de « Manual Therapy » (revue internationale de référence ayant un impact factor de 2,237) a rappelé au World Congress of Physical Therapy qui s’est tenu début mai à Singapour, que les recherches qualitatives, notamment celles comportant une analyse phénoménologique (comme c’est la cas des études portant sur la fasciathérapie menées au CERAP) ont toute leur place dans cette revue. Elle a également ajouté que pour elle, ce type de recherche allaient devenir de plus en plus important dans les années à venir. De plus, les consignes aux auteurs de cette revue rappellent que « les méthodes de recherche quantitatives, qualitatives et mixtes sont les bienvenues ». De notre côté, nous considérons que l’étude d’une thérapie manuelle ne peut relever du seul domaine de la recherche clinique, qui est plus adaptée à la recherche biomédicale. Les recherches centrées sur le patient sont à notre avis nécessaires pour valider et valoriser les techniques manuelles qui relèvent autant de la science qualitative que de la science quantitative. Elles jouent un rôle majeur dans la validation scientifique des aspects qui ne sont pas mesurables, mais qui sont tout aussi importants, tels que le processus de traitement, les effets non spécifiques de l’expérience globale, la relation patient-praticien, les sentiments des sujets à propos de leurs expériences, etc… (4). Discréditer les évaluations qualitatives relève donc d’une posture intellectuelle partisane qui n’est pas conforme aux données actuelles de la science et à l’évolution de la kinésithérapie vers un modèle de santé global qui place le patient au centre des soins (5). L’ANKF continuera à encourager les différentes approches de recherche sans en privilégier une particulièrement. À ce sujet, une étude à plus grande échelle avec un groupe contrôle est en cours d’élaboration. Si nous avons besoin de faire évaluer ce protocole, l’ANKF s’adressera directement aux autorités compétentes à savoir le Collège de la Masso-Kinésithérapie et le CNOMK et non au CORTECS qui ne possède aucune habilitation scientifique dans le domaine de la kinésithérapie.

Le CORTECS considère qu’en publiant cette information nous nous rendons coupable d’argument d’autorité en considérant que nous nous servons de ces communications pour laisser penser que notre pratique est éprouvée. Il est ainsi écrit par Mme N. Darbois que « Ceci serait une preuve que les professionnels exerçant la fasciathérapie sont impliqués dans l’évaluation et la recherche sur leur pratique et soucieux d’utiliser les données les plus récentes de la science ». Et plus loin : « L’article dans son intégralité (ici) constitue une pertinente ressource pour s’entraîner à détecter les arguments d’autorité. »
Ces propos déforment la réalité de l’article : le lecteur pourra vérifier que nous n’avons pas dit que le fait d’être sélectionné par des comités scientifiques de congrès constituait une preuve d’efficacité de la fasciathérapie mais témoignait de notre implication dans l’évaluation de notre pratique professionnelle. Cela est tout à fait différent. Au lieu de décrier systématiquement cette démarche, le CORTECS, qui d’ailleurs à ce jour n’a produit aucune étude répondant au besoin de valider la scientificité de la kinésithérapie, devrait saluer ce travail puisque cela va dans le sens des recommandations professionnelles.
En outre, concernant l’argument d’autorité, le CORTECS ferait bien de soigner sa propre posture puisqu’il utilise le CNOMK pour laisser penser qu’il est une autorité de référence en kinésithérapie : « Impressionné par deux travaux de Master 1 encadrés par des membres du CORTECS, le Conseil national de l’ordre des kinésithérapeutes (CNOMK), a émis deux avis déontologiques sur les pratiques de soins non conventionnelles que sont la fasciathérapie méthode Danis Bois et la microkinésithérapie. En novembre 2013, le CNOMK a commandé un rapport au CORTECS sur le niveau scientifique de la biokinergie » (6) Ici aussi on pourrait s’entraîner à détecter l’argument d’autorité.

  • Concernant le recours aux données actuelles de la science

Le CORTECS et en particulier Mme N. Darbois, dans son mémoire (7), considèrent que les fascias n’ont pas d’intérêt pour la pratique et la réflexion clinique. Cela montre à quel point le CORTECS ne maîtrise pas ce sujet. Comment ignorer les données actuelles de la science qui démontrent que les fascias sont des tissus humains doués de mobilité, de contractilité et de sensibilité ? (8). Ces tissus intéressent de plus en plus les professionnels de la thérapie manuelle et du mouvement comme nous l’avons déjà évoqué. Certains auteurs y voient même un possible rôle central dans l’explication des mécanismes d’action des thérapies manuelles en général. Certaines théories empiriques de la fasciathérapie sont d’ores et déjà confirmées par la recherche : l’approche globale du symptôme à travers le principe de la continuité tissulaire, le tonus et la contractilité fasciale et la crispation et densification du fascia, la sensibilité du fascia et l’autorégulation somato-psychique… Nous tenons à la disposition des personnes curieuses une bibliographie qui liste les travaux tendant à consolider ces théories et nous publions régulièrement sur ce site les ressources scientifiques et documentaires permettant de suivre l’évolution de la recherche sur le fascia.

Nous renvoyons également le lecteur vers le droit de réponse du Pr D. Bois  pour lui permettre de se faire une opinion éclairée sur le sujet.

Le comité scientifique de l’ANKF

(1) L’insubmersible canard de bain : la fasciathérapie « méthode Danis Bois », N. Darbois, www.cortecs.org

(2) Dossier : Traduction de dix lignes directrices pour des articles de recherche, M. Gedda, Kinésithérapie, la revue, Vol 15 – N° 157 – janvier 2015, P. 1-84

(3) La recherche qualitative en physiothérapie : quelle place mérite-telle ?, V. Schoeb, Kinésithérapie La Revue, Vol 12 – N° 127, P. 85-93 – juillet 2012

(4) Value of Qualitative Research in the Study of Massage Therapy, Ania Kania, RMT, BSc, Antony Porcino, BSc, and Marja J. Vehoef, PhD, Int J Ther Massage Bodywork. 2008; 1(2): 6–10.

(5) Enseigner la santé, F. Gatto, L’harmattan, 2011

(6) Évaluation des pratiques utilisées par des kinésithérapeutes : la biokinergie. CORTECS. www.cortecs.org

(7) La fasciathérapie « Méthode Danis Bois » : niveau de preuve d’une pratique de soin non conventionnel, N. Darbois, mémoire de fin d’études, IFMK Grenoble, 2012

(8) Fascia, The tensional network of the human body, R. Schleip and al, Elsevier, 2012