identité proLes professionnels de la fasciathérapie et toutes les instances pédagogiques et associatives (Point d’appui , ANKF) militent et travaillent depuis de nombreuses années pour faire reconnaître la fasciathérapie comme une spécificité de la kinésithérapie. Ce premier article met en évidence cette dynamique de professionnalisation du groupe des kinésithérapeutes pratiquant la fasciathérapie. La reconnaissance universitaire, l’organisation associative des fasciathérapeutes et l’accès à la recherche sont des indicateurs significatifs de cette professionnalisation de la fasciathérapie.

La professionnalisation d’une pratique est un processus de construction identitaire rendant possible sa reconnaissance interne et externe : «La professionnalisation en tant que processus regroupe l’ensemble des actions et des démarches qui permettent à des activités professionnelles en émergence et en construction de se structurer en véritable métier, de s’inscrire dans des filières professionnelles et de se faire reconnaître dans des référentiels de formation, de qualification et de certification professionnelle » (Parsons, 1949). Le mouvement de professionnalisation de la fasciathérapie rend lisible la dynamique d’organisation interne de cette pratique et de ses acteurs et possible sa reconnaissance en tant que spécificité au sein de la kinésithérapie.

  • Un groupe professionnel qualifié et autonome : l’Association Nationale des Kinésithérapeutes-Fasciathérapeutes

Depuis 2005 et l’ouverture du premier Diplôme d’Université de Fasciathérapie, nous avons enregistré une élévation du niveau de qualification des kinésithérapeutes formés à la fasciathérapie. Sur les 489 kinésithérapeutes formés depuis 2000 (statistiques Point d’appui), 113 sont titulaires d’un Diplôme Universitaire professionnel en sortie d’études et 46 d’entre eux ont pu reprendre des études vers le niveau Master 2 ou Doctorat et passer ainsi du statut de praticien à celui de chercheur. Le groupe professionnel des kinésithérapeutes-fasciathérapeutes est aujourd’hui constitué de praticiens hautement qualifiés (Diplôme d’Université) et de praticiens-chercheurs (Master et Doctorat) capables de mener des recherches sur la fasciathérapie. Ces professionnels viennent augmenter le nombre des kinésithérapeutes universitaires français. À l’heure de la reconnaissance du diplôme de kinésithérapie au niveau Master 1, il faut saluer l’ensemble des acteurs de la fasciathérapie de s’être engagé précocement dans la voie universitaire. Le groupe professionnel des kinésithérapeutes-fasciathérapeutes représenté par l’ANKF s’est ainsi donné les moyens de remplir son objectif de produire de la connaissance sur sa pratique et de communiquer ses travaux et ses recherches au public (création d’une plate-forme d’information interactive, organisation d’un congrès, mise en place d’un site informatif à destination des patients, création d’une revue).

Pour rappel, le Conseil National de l’Ordre des Masseurs Kinésithérapeutes publiait en 2009 (rapport pour l’obtention de la reconnaissance du niveau Master) des chiffres intéressants sur le niveau universitaire des kinésithérapeutes. Sur un échantillon de 1678 Masseurs-Kinésithérapeutes : 27,2% déclaraient avoir une formation universitaire (14,2% un Diplôme Universitaire, 3,7% une Licence, 4,4% un Master 1, 4,3% un Master 2 et 0,7% un Doctorat). Au total, moins de 10% (9,4%) des kinésithérapeutes font des études de 2nd et 3ème cycle soit environ 300 à 500 en masters 2 et 100 en doctorat. Il est à noter que ces chiffres sont fortement influencés par les kinésithérapeutes formés dans la communauté européenne : l’intégration de kinésithérapeutes issus de pays où la formation est universitaire explique ces chiffres importants.

  • La fasciathérapie : une discipline reconnue et intégrée dans la kinésithérapie et l’université

La fasciathérapie est une discipline reconnue en France où elle fait partie de la formation continue en Kinésithérapie. Point d’appui, organisme de formation continue d’adultes qui délivre les formations de fasciathérapie est membre du Syndicat des Organismes de Formation Continue en Kinésithérapie Adhérents à la Charte (SOFAC ). Cette reconnaissance interne par la kinésithérapie est liée à la qualité des programmes dispensés ainsi qu’à la pertinence de cette approche dans le champ de la kinésithérapie. La fasciathérapie est d’ailleurs aujourd’hui répertoriée dans des ouvrages de référence en kinésithérapie, comme une technique de kinésithérapie et à ce titre fait l’objet de publications régulières dans la presse professionnelle de kinésithérapie (10 articles parus depuis 2002). La reconnaissance officielle de la fasciathérapie comme spécificité de la kinésithérapie passe maintenant par une reconnaissance institutionnelle. Cette démarche est engagée par une demande officielle auprès du CNOMK qui a créé une Commission Ordinale de Qualification chargée de faire évoluer le répertoire des spécificités en kinésithérapie . Dans le monde universitaire, la fasciathérapie est intégrée dans des programmes de Physiothérapie (Diplôme Universitaire de 2nd cycle en Kinésithérapie Sportive , Diplôme universitaire de fasciathérapie ). Elle est également intégrée à des programmes de formation en kinésithérapie (Diplôme universitaire de pelvi-périnéologie, enseignement en IFMK).

Les dates repères pour comprendre l’évolution du statut des kinésithérapeutes-fasciathérapeutes :

– 2004 : Création du Mestrado en Psychopédagogie Perceptive et du Centre d’Études et de Recherche Appliquée en Psychopédagogie Perceptive (CERAP)

– 2005 : Création du Diplôme Universitaire de Fasciathérapie

– 2008 : Partenariat académique avec l’Université Fernando Pessoa- Université de Physiothérapie (Porto)

– 2009 : Ouverture du Diplôme Universitaire de Méthodologie de la Recherche (3ème cycle) ouvrant l’entrée en 2ème année de Doctorat en Sciences Sociales (Université Fernando Pessoa)

– 2010 : Ouverture du Diplôme d’Université de Kinésithérapie Sportive – spécialisation fasciathérapie (2nd cycle) donnant accès au Master 2 de Kinésithérapie Sportive de l’Université Fernando Pessoa

  • La fasciathérapie : une pratique ancrée dans la recherche internationale sur le fascia

Le dernier aspect de la reconnaissance de la fasciathérapie se rapporte à sa validation scientifique. Grâce à la filière universitaire mise en place avec l’appui du Centre d’Étude et de Recherche Appliquée en Psychopédagogie Perceptive , la fasciathérapie commence à être étudiée. Le pôle de recherche ”Approche du soin en kinésithérapie et fasciathérapie”  accueille les kinésithérapeutes-chercheurs et encourage la recherche sous ses différents aspects estimant que l’évaluation de la kinésithérapie passe par des approches et des méthodologies de recherche issues tant du domaine bio-médical que des sciences humaines. Le CERAP participe également au développement et à l’accompagnement de la recherche en kinésithérapie en favorisant la recherche sur le terrain professionnel (posture de praticien-chercheur) et plus particulièrement dans celui de la pratique libérale (80% de l’exercice de la kinésithérapie). À ce jour, nous pouvons répertorier 14 mémoires de Master 2 en Psychopédagogie Perceptive, 8 recherches cliniques, 15 projets de recherche en kinésithérapie du sport, 3 projets de recherche en Psychopédagogie Perceptive, 3 projets de recherche doctorale en Sciences de l’Éducation et en Sciences sociales.

Cette recherche sur la fasciathérapie s’inscrit plus largement dans un contexte international de recherche sur le fascia très actif. Un congrès international  rassemble et communique les données les plus actuelles produites par des anatomistes, des physiologistes, des biologistes et des praticiens. La fasciathérapie sera présente à l’édition 2012 à Vancouver (Canada) comme elle l’a été en 2007 à Boston (USA).

La professionnalisation d’une pratique est une affaire individuelle et collective dont l’objectif est de favoriser la reconnaissance d’une activité spécifique et d’une nouvelle identité professionnelle. Cet article veut illustrer les trois niveaux de professionnalisation à l’œuvre dans la fasciathérapie et rejoint les définitions qu’en donnent les sociologues des professions : la professionnalisation des praticiens, de la formation et de l’organisation associative. Cette démarche de professionnalisation des acteurs de la fasciathérapie traduit le besoin de reconnaissance d’une identité professionnelle et montre le chemin pris pour parvenir au statut d’identité spécifique au sein de la kinésithérapie.
Dans le contexte d’une kinésithérapie, segmentée et multiforme, qui cherche à garder son unité et sa diversité, la reconnaissance de spécificités devient incontournable. Il existe cependant une grande différence entre déclarer ou revendiquer son identité, lui donner un caractère professionnel et la faire reconnaître socialement. La professionnalisation des pratiques est probablement un des moyens d’objectiver le processus de construction et la spécificité des ces nouvelles identités professionnelles en kinésithérapie.

À suivre….